Futur(s) est une newsletter hebdomadaire qui raconte les émergences du présent en fictions du futur. J’y partage ma veille et mes réflexions sur l’évolution de nos modes de vie. Nous sommes désormais 8 632 à imaginer les futurs ici.
Cette semaine, je vous propose de prendre le contre-pied de la Red Team.
Les lecteurs de cette lettre familiers du design fiction connaissent bien cette équipe d’auteurs de science-fiction et de designers missionnée pour imaginer les conflits de demain pour le Ministère des Armées. Un travail remarquable, qui a nourri les imaginaires de défense à une époque de paix relative.
Mais les temps changent. Nous voilà plongés dans une séquence d’affrontements qui relèguent au second plan l’urgence environnementale.
Récemment, on m’a soufflé qu’un appel d’offre circulait pour créer une "Green Team" : une équipe de créatifs dédiée à nourrir nos imaginaires en lien avec l’environnement et les transitions écologiques. Pertinent dans l’époque actuelle, non ?
Pour cette édition, j’ai donc proposé à quelques personnes dont j’apprécie le regard de tenter une expérience d’écriture autour de cette hypothèse. Chacun a imaginé plusieurs “Et si demain… ?” en partant du principe qu’un basculement écologique majeur avait eu lieu. J’ai ensuite transmis ces amorces aux autres participants, comme consigne d’écriture. Un exercice simple, stimulant, et facilement réplicable.
Un grand merci à tous les contributeurs de l’édition du jour !
À très vite,
Noémie
PS : La newsletter prendra quelques semaines de pause et sera de retour mi-mai.
Formation Design fiction : Nouvelles dates !
En présentiel les 24, 25 et 26 septembre 2025 à Paris
Prendre le temps d'explorer les liens entre prospective et design fiction
👁️ Remarquer le changement
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🎤 Ouvrir des conversations stratégiques sur les futurs
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Le programme détaillé
Une formation en partenariat avec Mue., éligible au financement OPCO.
Discutons-en ! (noemie@circa2040.com)
🩺 Et si demain, l’empathie se délivrait sur ordonnance ?
L’empathie se délivre aujourd’hui sur ordonnance. Cette mesure est née après la crise relationnelle de 2031, marquée par une vague de ruptures sociales et de tensions en entreprise. Le constat était sans appel : le manque d’empathie fragilisait nos organisations et nos liens. Depuis, un test d’évaluation émotionnelle est requis avant toute prise de poste. En cas de déficit, les personnes sont orientées vers des centres spécialisés, où elles suivent cinq modules : Compréhension émotionnelle, Communication bienveillante, Gestion des conflits, Empathie appliquée et Éthique des relations. Cette réforme a profondément transformé le monde du travail : l’efficacité repose désormais sur la qualité des relations humaines plutôt que sur la compétition. Les équipes coopèrent mieux, les tensions se désamorcent plus rapidement et le leadership devient plus humain. L’empathie, longtemps négligée, s’impose aujourd’hui comme un socle professionnel au même titre que les compétences techniques.
[Un “Et si demain” proposé par Futurons !, une fiction écrite par Mélanie Walter]
Responsable du Lab d’intelligence collective et du Fab du Lab des Urssaf, Mélanie Walter œuvre à l’intersection de l’innovation, du design et de l’intelligence collective. Avec son équipe, elle conçoit des dispositifs et des ateliers exploratoires ou immersifs permettant de questionner les organisations, d’interroger les usages et d’imaginer des futurs souhaitables.
👮Et si demain, l’incitation à la consommation devenait un délit ?
Assis sur la banquette froide de sa cellule, Yannick ne comprenait pas. Ou plutôt, n’en revenait pas. « Multirécidiviste », avait dit la juge, avant que le gendarme ne vienne lui mettre la main sur l’épaule pour lui passer les menottes. Tout ça pour quelques flyers distribués dans les boîtes aux lettres de sa résidence. Dire que c’était la jolie voisine du 4e qui l’avait balancé. Son shampooing parfum « licorne » faisait pourtant un carton dans les années 2020 ! Le jour du lancement, au Monoprix de la rue du Calvaire, certaines se l’étaient même arraché. Que s’était-il passé ? Ce nouveau monde, dans lequel il était interdit de distribuer des flyers ou coller des affiches pour donner accès au plus grand nombre à de simples plaisirs, comme celui de s’enduire d’une belle mousse rose à paillettes sous la douche, ne lui plaisait décidément pas.
[Un “Et si demain” proposé par Futurons !, une fiction écrite par Valérie Jaouen]
Depuis toujours, du fait de sa culture franco-allemande, Valérie Jaouen est animée par la question suivante : " Comment dépasser les différences individuelles (de points de vue, de valeurs, de culture, de vision de la vie, …) et mettre en oeuvre des projets où chacun puisse trouver sa place et apporter ce qu’il sait faire le mieux ? » Depuis bientôt 20 ans, elle accompagne les projets collectifs portés par des entreprises, associations et / ou acteurs publics, en les aidant à exprimer puis à mettre en oeuvre leur mission au service de l'intérêt général.
🏡 Et si demain, les métiers d'ingénierie et de techniciens des territoires devenaient des métiers du soin ?
Aya, fac similé, extrait de "Accordeureuses de territoires, la métamorphose de la fonction publique territoriale", éditions Les Lendemains qui Chantent, ca. 2040, encres végétales sur papier recyclé, impression numérique, Musée d'Archéologie des Futurs
[Un “Et si demain” proposé par Frédérique Triballeau, une fiction écrite par Futurons !]
Futurons ! est un collectif qui regroupe des designers de futurs expérientiels pour activer l’imagination collective et transformer le présent.
☀️ Et si demain l’été devenait une menace plutôt qu’une période attendue, bouleversant nos rythmes de vie et nos traditions ?
Juillet 2042, les vacances scolaires d’été commencent. Déjà la 5eme année que le gouvernement les a réduit à 2 semaines. Une décision portée par les pays d’Europe pour palier aux canicules qui nous condamnaient à rester aux abris. Cette année encore, nous partons à la montagne. Le chalet familial qui servait aux vacances de ski de nos parents a été repensé comme un refuge estival. Une belle manière d’échapper aux chaleurs difficiles de nos villes. Toutes les stations de ski sont pleines ! Elles ont conservé leur nom comme souvenir du passé et sont devenus les lieux les plus prisés du territoire en été. Cet hiver, elles seront fermées car la neige ne blanchit plus aucune de nos montagnes depuis quelques années. De toutes façons, toutes les familles avec enfants scolarisés s’organisent pour des congés longs durant les vacances d’hiver. Ils durent maintenant 2 mois et sont les meilleurs moments de l’année pour voyager. Les palmiers de Noël ont même remplacé les sapins, symbolisant le changement d’époque.
[Un “Et si demain” proposé par Mélanie Walter, une fiction écrite par Bertrand Dalle]
Bertrand Dalle a fondé Conseil & recherche, agence de recherche-action au service des entreprises depuis 2008.
⏱️ Et si demain, chaque personne avait droit à un "revenu-temps" : des heures libérées pour contribuer autrement qu’en produisant ?
Les mains dans la terre. Ça la change du cliquetis du clavier dans l’open space de l’organisme HLM où elle travaille, du lundi au jeudi. Là-bas, elle pilote avec enthousiasme la rénovation thermique des logements, qui sera bientôt terminée. Ici, vendredi matin, elle respire. Un jour par semaine, grâce à son revenu-temps, Maïwen rejoint une ferme en transition bio. Elle n’est pas maraîchère, elle n’a pas tous les gestes. Mais elle apprend. Elle retourne les composts, observe les vers de terre, donne un coup de pouce au sol qui reprend vie. Elle donne de son corps, sans objectifs. Un autre contrat social, où chaque geste compte, même s’il ne rapporte rien. Surtout s’il ne rapporte rien. Pour réparer, pour s’ancrer, pour se nourrir. Ce n’est pas un loisir. C’est du lien et du soin. Avec le vivant, avec les autres. Et avec elle-même.
[Un “Et si demain” proposé par Cécile Poignant, une fiction écrite par Frédérique Triballeau]
Frédérique Triballeau, consultante en redirection écologique, chez Julhiet Sterwen, spécialisée en ménagement des territoires. Habitante d’un petit village en Loire-Atlantique, engagée dans sa transition démocratique.
🌲 Et si demain, l'école avait lieu en forêt ?
En 2040, l’école s’est adaptée aux enjeux écologiques et sociaux. Face à la crise climatique et à la montée des troubles de l’attention, de plus en plus d’établissements ont choisi un modèle hybride : 50 % des cours ont lieu en forêt. Ces espaces naturels, aménagés en secteurs pédagogiques, permettent d’enseigner les sciences ou la géographie en lien direct avec le vivant. En forêt, on n’apprend pas à dominer la nature, mais à s’intégrer.Les élèves alternent entre observations et expérimentations. Les méthodes sont plus actives et plus concrètes.On obtient ainsi une meilleure concentration, une baisse du stress, et un développement de compétences transversales comme l’autonomie, la curiosité ou le travail en groupe. L’école-forêt est une école vivante, enracinée, qui éveille l’esprit et les sens.
[Un “Et si demain” proposé par Frédérique Triballeau, une fiction écrite par Cécile Poignant]
Cécile Poignant , trend forecaster et enseignante. Nature, lecture, thé vert, céramique et chocolat noir sont mes essentiels
Pour aller plus loin
Voici ci-dessous les “Et si demain” qui n’ont pas été développés en fiction. N’hésitez pas à proposer une fiction si l’un d’entre eux vous inspire…
> Et si demain, chaque séminaire de cohésion d'équipe en résidentiel prévoyait un volet de tourisme régénératif ? > Et si demain, chaque scénario de film devait inclure une scène qui oeuvre explicitement ou insidieusement à la protection de notre planète ? > Et si demain, chaque nouveau permis de construire devait imposer un corridor écologique (pour les bâtis de grande superficie) ou la préservation d'espaces permettant la régénération de la biodiversité (pour tous les autres) ? > Et si demain, chaque collégien suivait un enseignement sur la compréhension des changements climatiques et préparait durant ses études secondaires un nouveau modèle de société ? > Et si demain, l'éducation tout au long de la vie devenait un droit fondamental, nourrissant une société d'apprenants curieux, engagés, enracinés ? > Et si demain, les forêts avaient des droits et des représentants au Parlement ? > Et si demain, les places de parking avaient disparues des villes ?Et si demain, l'école avait lieu en forêt ?> Et si demain, les entreprises devaient justifier de leur compatibilité avec les limites planétaires ? > Et si demain, on arrêtait de se battre contre la mer ? > Et si demain, on remplaçait le calendrier grégorien par des calendriers écologiques ? > Et si demain nous construisions une économie de l’automne ? > Et si demain, aucune entreprise ne pouvait être créée, soutenue ou sauvée sans l’aval d’une convention citoyenne territoriale ? > Et si demain, tout ce qui répond aux besoins humains fondamentaux sortait de l’économie de marché ? > Et si demain, chaque besoin humain avait une échelle maximale de distance entre production et usage ? > Et si demain l’été devenait une menace plutôt qu’une période attendue, bouleversant nos rythmes de vie et nos traditions ? Ou dit autrement > Et si demain l’été devenait une saison vécue uniquement en intérieur à cause de la chaleur ?> Et si demain nous ne pouvions plus nous contenter de virtuel mais avions besoin de sentir, toucher et expérimenter pour donner du sens ? > Et si demain l’éducation valorisait autant la sensibilité et la perception que la logique et la technologie ? > Et si demain toutes les copropriétés de France passaient à l'auto-partage ? > Et si demain, chaque scénario de film devait inclure une scène qui oeuvre explicitement ou insidieusement à la protection de notre planète ? > Et si demain étaient introduits des quotas de m2 d'habitation / habitant ?
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Et si demain l'extraction minière est réservée qu'aux seuls produits ou services essentiels? et que les autres besoins devaient puiser exclusivement dans les ressources déjà transformées?
C'est ma toute petite contribution a ce très beau travail que vous avez fait! bravo et merci . Stéphane
Merci, j'adore. Les "Et si demain" donnent envie de raconter la suite. Je m'y replongerai...